Cet endroit de l'Aveyron où souffle l'esprit
En juin dernier, j'organisai un séjour "découverte des richesses de l'Aveyron", plus précisément dans le Sud Aveyron, à partir de Millau. Nous avons alors visité la vallée de la Dourbie (richesse géographique), emprunté le circuit Larzac Hospitalier et Templier (richesse historique),
visité la pile P2 du Viaduc de Millau, la plus haute au monde (richesse technologique), visité Roquefort (richesse pastorale et industrielle), visité une ganterie à Millau (richesse historique et artisanale) et enfin visité l'Abbaye de Sylvanès (richesse religieuse). Six richesses en tout, que nous avons admirées unanimement, mais parmi celles-ci, la dernière transcende toutes les autres. Dans une région boisée (Sylvanès vient de silva, la forêt), en l'espace de quelques km se positionnent une Abbaye cistercienne, une église orthodoxe russe et un musée d'art ; si vous prenez le temps de les découvrir, vous en ressortirez transformés et direz sans doute comme moi : voici un lieu unique en France, un lieu où souffle l'esprit !
L'Abbaye de Sylvanès a une histoire ancienne, celle des moines cisterciens, sauvée de l'abandon récemment (en 1975) par le Père André Gouzes, écrivain et compositeur de musique religieuse qui continue d'animer Sylvanès « une personnalité rare, riche de liberté, de tolérance, de modernité et de passion » qui y vit toujours, plus exactement au Prieuré des Granges. Elle fut fondée par un noble et chevalier, Pons de l'Héras, qui n'en n'était pas moins un brigand redoutable et redouté. Mais il fut touché par la grâce divine une nuit de Noël. Cessant ses brigandages, il se consacre alors à la pénitence et à la prière. Il fonde l'ermitage de Sylvanès, et plus tard, en 1136, l'Abbaye Notre-Dame-de-Sylvanès où il finira sa vie dans l'humilité du travail manuel. Cette Abbaye, réhabilitée donc, est devenue célèbre plus pour ses manifestations religieuses et artistiques, ses concerts, ses retraites, que pour son bâti comme l'imposante abbatiale à l'acoustique unique, la sacristie, la salle du chapitre, les anciens dortoirs des moines et enfin son scriptorium, mais un scriptorium modulable (signe de la modernite du père Gouzes) qui peut se transformer en restaurant, même s'il fait froid car il est équipé d'un sol chauffant ! Attablés dans ce restaurant unique, vous serez autorisés à joindre le plaisir à la joie ! N'oublions pas que Saint Bernard, en bon connaisseur des habitudes alimentaires, s'il en fustige les excés (en particulier ceux des Cluniciens), écrit en parlant de la chair (qui comprend donc le manger) "si elle est dirigée selon l'odre juste, qu'elle procède par degrés, sous la direction de la grâce, progressant, alors elle se consomme dans l'esprit" Extrait de Saint Bernard par ses écrits de P.D'Angle et I.Goby, Mediaspaul, 1999.
L'Eglise orthodoxe russe a une histoire récente qui remonte à moins de 20 ans, une histoire racontée par sœur Marie-Lucie avec ferveur d'une voix claire et gaie (cette dernière vit au Prieuré des Granges dont elle gère l'accueil). Récemment transportée toute démontée de Russie à Millau, en train, cette église fut remontée dans un site boisé sans aucune maison alentour ; elle est à 20 mn de Sylvanés (en voiture par une route étroite difficile en fin de parcours) ou à 4 km par un sentier forestier à partir de Sylvanès. Quel lien entre l'Abbaye et l'Eglise ? Elles sont liée entre elles par le lieu certes mais surtout par le lien très fort qui a uni les deux Pères qui se sont donnés corps et âmes pour leur renaissance : le Père Gouzes écrivain et compositeur de musique religieuse qui continue d'animer Sylvanès « une personnalité rare, riche de liberté, de tolérance, de modernité et de passion » et le Père Serge de Beaurecueil mort il y a quelques années, enterrée à coté de son église et qui s'est passionné toute sa vie pour le monde orthodoxe et l'Afghanistan.
Le musée d'art Auguste Zamoyski se trouve au Prieuré des Granges, lieu situé à environ 300 m en aval de l'Eglise orthodoxe. Vous aurez peut-être l'insigne honneur d'y être guidés par le Père Gouzes lui-même. Pour situer le degré d'élévation spirituel de ce musée, je citerai respectivement Auguste Zamoyski lui-même, et son épouse Hélène : « J'appelle "Art" cet effort désintéressé qui cherche à rendre intelligible l'absolu, à le toucher, à nous identifier avec lui ». «Zamoyski, un artiste avec trois accents circonflexes tellement il était fougueux, capricieux, polonais et mystique. Je crois que les grands mystiques sont des grands vivants, on est mystique que dans un surcroît de vie, un appétit de vivre, rien à voir avec les petits saints ».
J'espère que ces quelques lignes vous auront permis de comprendre pourquoi j'ai parlé d'un lieu où souffle l'esprit et vous donneront envie d'y aller. Puissent ces quelques lignes, aussi, avoir contribué à définir ou refléter l'orientation générale de «laplumedemarco» et vous inciter à en « fouiller les vallons ».
Saint-Gély du Fesc le 18/09/2013
Francis Ganry